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Mgr
de Sinety, Ganelon de la chrétienté
Mgr de Sinety est
l'auteur d'un livre : Il faut que des voix s'élèvent.
Cet écrit
prétend être une justification chrétienne de
l'accueil des migrants, mais on n'y lit aucune argumentation
cohérente et les références chrétiennes
sont toutes prises à rebours de leur contexte. Si ce n'était
qu'un livre parmi d'autres, ce serait certes déplorable, mais
s'agit d'un ouvrage qui, du fait de la notoriété
récente de son auteur, a ipso facto un certain écho
dans les revues et journaux. Mgr de Sinety est en effet celui qui a
célébré, il y a quelques mois, en présence
des plus hautes autorités de l'État,
les funérailles d'un chanteur certes populaire, mais dont on
peut pas dire qu'il fut pour autant un modèle de vertu. Mgr de
Sinety est vicaire général de Paris, sa position
hiérarchique est donc importante, et pourtant ce qu'il écrit
dans son livre, ou plutôt ce qu'il demande, ne tend à
rien moins qu'à mettre en péril toute la chrétienté.
Il faudrait, selon lui, non seulement accueillir plus de migrants,
mais aussi et surtout leur donner tous les moyens pour qu'ils vivent
le mieux possible : droits, logement, travail etc. Qu'une telle
proposition, déjà en partie réalisée dans
les faits, puisse aboutir à changer radicalement la France et
l'Europe, ne gêne en rien l'auteur. Le mot islam n'est
pas écrit une seule fois dans tout le livre.
Une fausse contre-vérité
Mgr de Sinety met en
avant la notion d'amour. L'idée est simple : tous les
êtres humains sont aimés de Dieu, et cet amour « fait
de nous des frères et des sœurs. »
Cette fraternité, ajoute l'auteur, « ne repose pas
sur le sang, elle ne repose pas non plus sur l'appartenance à
un même sol. »
Nous devons en conséquence ne pas restreindre notre amour à
nos proches, mais étendre cet amour à l'humanité
entière, et donc aux migrants. A contrario, dit
l'auteur « Imaginer que nous sommes limités dans
notre capacité à aimer est bien pire qu'un mensonge.
C'est une contrevérité qui dénature notre
identité même d'être humain. »
Cette « contrevérité »
est pourtant énoncée explicitement par Thomas d'Aquin,
saint et docteur de l'Église.
Dans son Commentaire des Psaumes, Thomas d'Aquin explique
« que nous aimons quelque chose dans la mesure où
nous la considérons comme nôtre »,
propos qu'il développe dans la Somme Théologique
en montrant que nous ne pouvons pas aimer tout le monde de la même
manière. Nous devons aimer d'abord nos parents, puisque nous
sommes liés « par les liens de la nature et du
sang »,
puis nos concitoyens.
Une véritable
inconséquence
Selon Mgr de Sinety, nous
devons aimer et accueillir les migrants. Notre auteur se livre
ensuite à un raisonnement fort peu conséquent : ne
pas aider les migrants, ce serait être égoïste.
D'après l'auteur, notre société regorge de
richesses, « notre ultraconsommation est scandaleusement
indécente. »
Mgr de Sinety donne quelques exemples : « Ai-je
besoin du dernier smartphone dont la valeur dépasse quelques
années de travail d'un ouvrier dans bien des endroits du
monde ? Est-il raisonnable de s'endetter pour s'acheter une
voiture plus moderne alors que l'ancienne est encore performante ? »
Que ces exemples ne puissent valoir que pour ceux qui sont assez
fortunés, et non pour la majorité des Français,
est sans doute ce dont l'auteur, lui-même « élevé
à l'abri des soucis matériels »
ne se rend pas bien compte. Là où le raisonnement n'est
pas conséquent, c'est que Mgr de Sinety voudrait que les
migrants deviennent eux-mêmes les membres d'une telle société
de consommation dont il dénonce la vacuité. Les
migrants veulent bénéficier du confort de la société
européenne. Mgr de Sinety le dit explicitement :
« L'immigration, ce sont d'abord des hommes et des femmes
qui souhaient s'installer et vivre parmi nous. »
Ainsi sous couvert
d'amour et de moralisme, Mgr de Sinety adhère-t-il à
cette idée que les migrants sont bénéfiques à
l'économie. Sans doute pense-t-il qu'ils remplaceront les
Européens puisque ces derniers sont en baisse démographique,
et qu'ils n'hésiteront pas à travailler là où
l'emploi est pénible. Mgr de Sinety le déclare
explicitement : « Favoriser l'intégration de
ceux qui arrivent chez nous, quel que soit leur statut, c'est
investir pour l'avenir, c'est éviter d'avoir à gérer
des problématiques sociales, d'emploi, de santé dans
dix ou quinze ans. »
Une telle présentation de la réalité a pour but
de faire croire qu'il y a là une nécessité
économique ; c'est, déclare l'auteur, « un
mouvement inéluctable. »
Notons, au passage, qu'une telle interprétation oblige notre
auteur à gommer la différence entre réfugiés
et migrants dits économiques : « Réfugié,
migrant … Ces subtilités linguistiques nous empêchent
de réfléchir et sont d'une perversité folle :
elles nient d'abord le droit de ces hommes et de ces femmes à
exister. Comment a-t-on décrété que la situation
d'un migrant à la recherche d'un moyen de subsistance est
moins grave que celle des réfugiés fuyant une
dictature ? »
Un démenti de
Dupâquier
Mgr de Sinety se refuse,
à propos des migrants, de parler d'invasion : « Ces
migrants ne constituent pas une horde violente qui viendrait remettre
en cause notre suprématie, notre confort et nos modes de vie.
Cela n'a rien à voir avec une invasion. C'est même
l'inverse : chacun de ces déracinés souhaite
partager notre vie, espère que nous lui ferons un peu de place
après un si long voyage pour qu'à son tour, lui aussi
puisse vivre comme nous. ».
S'il n'y a pas d'invasion, il n'y a pas non plus de « grand
remplacement. »
Ceux qui disent cela sont « des complotistes .»
Comment Mgr de Sinety
peut-il affirmer qu'il n'y a pas d'invasion ? Son argument
consiste à prétendre que la France s'est faite
elle-même grâce aux immigrations successives. A titre
d'exemple, il rappelle que pendant l'entre-deux-guerres la France
« accueillait près de 7% d'étangers sur son
sol. »
Mgr de Sinety déclare que ceux qui sont hostiles aux migrants
« diffusent des mythes, ainsi celui du -Français de
souche- qui serait menacé, ce qui n'a aucun sens puisque
cette terre a toujours été celle des migrations ».
La même idée se trouve sous la plume d'Edwy Plenel,
lequel évoque « ces migrations qui ont fait la
richesse de la France .»
Les travaux scientifiques
de Jacques Dupâquier concernant l'histoire de la démographie
française réduisent à néant l'idée
que la France ait été une terre d'immigration !
Les grandes invasions elles-mêmes, lesquelles marquent la fin
de l'antiquité, n'ont eu qu'un impact démographique
faible, et jusqu'au vingtième siècle, il est absolument
faux de prétendre que la France ait été une
terre d'immigration. Le chiffre même qu'avance Mgr de Sinety, à
savoir les 7% pendant l'entre-deux-guerres ne concerne qu'une
immigration liée au travail, et non une immigration de
peuplement. Les apports venant de Pologne, d'Italie et d'autres pays
européens ont cette particularité importante d'être
chrétiens, ce qui constitue une différence considérable
avec l'immigration légale ou illégale actuelle,
laquelle est une immigration de peuplement. Cette dernière
commence avec la possibilité du regroupement familial, sous le
gouvernement de J. Chirac, V. Giscard d'Estaing étant alors
président de la République, et s'amplifie
continuellement, de sorte que les nouveaux arrivants et leurs
descendants risquent à terme d'être majoritaires.
L'Islam oublié
Mgr de Sinety se rend-il
compte que l'immigration apporte un bouleversement sans précédent
dans l'histoire ? Il l'avoue dans un autre livre :
« Pourquoi se le cacher : l'ère qui s'ouvre
sera pour cette bonne vieille France un temps de changement profond.
Certains prédisent des minarets en lieu et place de nos
clochers ruraux. »
Mgr de Sinety ne s'en émeut pourtant guère, il dénie
même toute identité à la France : « […]
nous ne savons plus trop qui nous sommes, où va notre pays et
quelles sont ses valeurs ».
Il ajoute : « il ne faut pas : « [...]fuir
dans la nostalgie d'un passé qui n'a jamais existé, ou
dans des illusions trompeuses. »
Il va de soi, selon le point de vue de l'auteur, qu'un slogan comme
« Français d'abord » n'est qu'un « petit
slogan » qui s'est « banalisé
sournoisement. »
Mgr de Sinety consacre
une bonne partie de son livre à rappeler les gestes et les
propos du Pape en faveur des migrants. Pour justifier les
déclarations du Pape François, l'auteur les met en
parallèle avec celles de quelques papes antérieurs,
notamment Pie XII et Paul VI, sans se soucier que les flux
migratoires étaient alors fort différents. Il est vrai
que certaines déclarations de papes plus récents
s'accordent avec celles de Sinety, mais est-ce parce que ces papes
ont commis des maladresses ou des erreurs d'appréciation,
qu'il faille les suivre ?
Rappelons que le dogme de l'infaillibilité papale ne vaut que
si le Pape parle ex cathedra, ce qui n'est pas le cas des
propos rapportés par Mgr de Sinety.
Ce qui manque à
Mgr de Sinety c'est l'honnêteté, car reconnaissons-le,
ne pas dire une seule fois dans un livre consacré aux migrants
que ces derniers sont pour la plupart musulmans, alors que l'auteur
écrit explicitement en tant que chrétien, c'est faire
fi de la réalité, pire, c'est la cacher, et la cacher,
c'est tromper, voire mentir. Ni les migrants, ni les immigrés
qui les ont précédés, ne changeront de religion.
Certes, des efforts sont faits par des chrétiens
pour convertir les musulmans, et il s'agit là d'un effort
missionnaire essentiel, mais le nombre de ces derniers est si grand
et leur progression si importante, que leur religion risque fort de
devenir dominante. Jamais Mgr de Sinety ne fait allusion aux mises
en garde des chrétiens d'Orient vivant dans des pays
musulmans ; ignorerait-il la tragique situation de tous les
chrétiens qui y sont persécutés en tant que
chrétiens? Sait-il ce que c'est que la charia, que la
dhimmitude ?
Exit la nation ?
Le grand tort de Mgr de
Sinety, c'est de réduire à presque rien l'idée
de nation. Il est vrai, selon le vocabulaire de saint Augustin, que
tous les chrétiens forment une sorte de cité céleste
dont la véritable patrie est la demeure de Dieu, mais il n'en
demeure pas moins que les chrétiens sont aussi membres de la
cité terrestre, et si l'évêque d'Hippone est
souvent critique vis-à-vis des choses d'ici-bas, il reste
constant sur le fait que tout chrétien doit aimer sa patrie
terrestre. Saint Thomas d'Aquin va plus loin encore en insistant sur
la piété que l'on doit avoir envers sa patrie. Le Pape
Jean-Paul II non seulement fait l'éloge de la notion de
patrie, mais encore du patriotisme : « Patriotisme
signifie amour pour tout ce qui fait partie de la patrie : son
histoire, ses traditions,sa langue, sa conformation naturelle
elle-même. Tout danger qui menace le grand bien de la patrie
devient une occasion pour vérifier cet amour. »
Le christianisme
n'envisage pas les hommes comme s'ils étaient sans lieu, nulle
part. Les nations sont des entités qui s'inscrivent dans le
plan divin. Ainsi n'a-t-on ni le droit moral, ni le droit spirituel
de dilapider ce que nous avons reçu de nos aïeux. Appeler
à accueillir les migrants, les loger, les nourrir et cela non
dans un esprit missionnaire de conversion à la chrétienté,
mais seulement pour qu'ils puissent bénéficier du
confort (confort que beaucoup de Français n'ont pas
eux-mêmes), pour qu'ils puissent « vivre
décemment », comme l'écrit Mgr de Sinety,
c'est faire preuve d'une compassion irréfléchie. Mgr de
Sinety cite Ambroise, saint et docteur de l'Église,
lequel disait que les riches devaient aider les pauvres. Il eût
pu aussi rappeler que si saint Ambroise dit qu'il est beau d'aider
ou de donner, encore faut-il que cela ne serve pas à nuire, et
c'est être nuisible que de donner à ceux qui peuvent
mettre en péril la patrie : « C'est en effet
être nuisible, non pas être utile à autrui, si tu
donnes à celui qui complote contre la patrie, qui désire
rassembler à tes frais des hommes perdus pour attaquer
l'Église. »
Appeler, vouloir accueillir des centaines de milliers de migrants
musulmans, qui plus est, en dissimulant le fait qu'ils soient
musulmans, c'est mettre en péril la chrétienté.
On pourrait dire de Mgr de Sinety qu'il est comme le Ganelon de la
chrétienté, si du moins de nos jours un Charlemagne
existait.
Marc FROIDEFONT
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