Le nouveau livre de Bernard Antony
pourrait être sous-titré « Tout ce que
vous vouliez savoir sur Bernard
antony sans jamais oser lui demander »,
ou « Session de rattrapage pour ceux qui
n’ont pas tout suivi ». Mais, plus sérieusement,
ce récit d’une vie militante est aussi,
le plus souvent sans en avoir l’air, et en
tout cas sans en avoir les formes, un traité
de doctrine politique, précisément à la
Bernard Antony, où il n’y a pas de maïeutique
possible sans coups à boire en chantant
et sans bons repas qui se prolongent,
où lorsqu’on parle de « temple de la civilisation
» il s’agit du marché de Toulouse.
Certains se souviennent peut-être encore
du petit livre d’entretiens intitulé Romain
Marie sans concessions, paru il y a plus d’un
quart de siècle. Ce nouveau livre lui est
semblable dans la forme, celle d’un entretien,
et il aborde (forcément) les mêmes
thèmes, mais il va plus loin et plus en
détails, et surtout l’entretien est fatalement
considérablement augmenté... par ce qui
s’est passé depuis la parution du premier
entretien. avec deux événements majeurs
pour la vie militante de Bernard antony
et des associations qu’il avait créées : le
sacre d’évêques par Mgr Lefebvre, et la
chute du rideau de fer.
Bernard Antony raconte les grandes
heures de Chrétienté-Solidarité, au
nicaragua ou en Croatie, et ses visites
qu’on pourrait dire « mixtes » (comme
député européen et président de
Chrétienté-Solidarité) en Pologne ou en
Lituanie. Les participants aux universités
d’été retrouveront ce que Bernard a souvent
raconté aux veillées, comme ses rencontres
avec Walesa ou Landsbergis, le
clou de la soirée étant la très surréaliste
réception à l’ambassade d’URSS à Paris,
le 21 août 1991, où, pendant que les militants
de Chrétienté-Soldarité manifestaient
dans la rue contre les « communistes assassins
» qui menaient à Moscou un putsch
contre Boris Eltsine, l’ambassadeur saluait
le combat de Bernard antony, lui expliquait
qu’il avait répudié l’uRSS, et le
conviait à porter un toast à la Sainte
Russie...
|

Une grande place est donnée aussi au
Procès international des crimes du communisme,
et nommément de ceux de
Georges Boudarel, organisé par Bernard
Antony à la Mutualité en 1997. on retrouvera
dans le livre plusieurs contributions,
et notamment les « conclusions » qui
avaient été lues, ou plutôt proférées, par
Me Jean-Baptiste Biaggi.
En ce qui concerne les sacres de 1988,
Bernard Antony explique en détails et
clairement la position qu’il fut amené à
prendre, et ce que furent les conséquences.
Il s’étend surtout, pour la première fois,
afin que la vérité des faits soit enfin connue
de tous, comment et pourquoi le Centre
Charlier a été dépossédé du pèlerinage
de Chartres. Par des gens qui ne cachaient
pas leur allégeance à Charles Pasqua. et
il y a là un certain nombre de pages qui
en apprendront sans doute à certains sur
la personnalité de celui qui réussit un
temps à se faire passer pour l’alternative
« convenable » à Jean-Marie Le Pen.
D’autre part, pour la première fois,
Bernard Antony raconte vraiment son
enfance du côté de Tarbes. Il parle avec
tact et délicatesse de ses parents et grandsparents,
montrant cette part d’authentique
substance française dont ils étaient porteurs
et dont il est l’héritier.
Puis il évoque longuement sa vie d’étudiant
à Toulouse, car c’est aussi sa première
vie militante. Cela aussi on l’a entendu,
au moins par bribes, aux veillées des universités
d’été. Il revient sur le solidarisme,
et c’est l’occasion d’une nouvelle revendication
du mot de « solidarité » - avec
|
la citation de Donoso Cortès qu’on ne trouve
jamais quand on en a besoin...
et l’on voit passer un certain nombre
de personnes, et de personnages, qu’on
retrouvera bien plus tard. Des personnes
que j’ai rencontrées autour de Bernard
Antony sans savoir qu’ils avaient milité
ensemble dans leur vie d’étudiants… Ce
qui en dit long sur son sens de l’amitié,
indéfectible. et le sens de l’amitié de ceux
qui l’ont supporté si longtemps...
Bernard Antony esquisse ainsi quelques
traits de vieux amis, mais sans brosser de
vrais portraits. Il y a cependant un vrai
portrait, dans ce livre, et il est remarquable :
il s’agit de Pierre Fabre, le pharmacien
devenu chef d’un empire industriel et
scientifique, et qui a beaucoup compté
dans la vie professionnelle de Bernard
antony, laquelle était directement en lien
avec sa vie militante, puisqu’il s’agissait
notamment de formation syndicale – anticommuniste.
Bernard Antony avait connu de près les
mouvements de la jeunesse catholique,
qui tous à des degrés divers furent noyautés
et envahis par le communisme. À une
question de Cécile Montmirail lui demandant
si le but était de changer le dogme et
à quoi cela pouvait bien servir, il fait cette
réponse :
« Le but n’était pas tellement de changer le
dogme mais de faire disparaître la foi. Il ne
s’agissait pas du tout d’une entreprise d’hérésie.
Mais par l’entraînement des chrétiens dans
la praxis communiste on savait qu’ils abandonneraient
quasi inéluctablement leurs
convictions religieuses. Cela était beaucoup
plus habile que de tenter de les convaincre
frontalement de la stupidité de leurs
croyances. »
Un exemple parmi d’autres de la qualité
de l’analyse politique (et religieuse) au fil
d’un récit vivant et volontiers truculent.
Notons enfin qu’un cahier de 18 pages
de photographies illustre le propos, et
nous fait retrouver avec émotion Dom
Gérard ou Gustave Thibon.
en attendant un deuxième tome, car
chacun verra que des pans entiers de la
vie militante de Bernard antony ne sont
pas évoqués dans ce livre...
Yves DAOUDAL
|