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DOM
GÉRARD
La revue Reconquête
d’avril-mai 2008, entièrement consacrée à
Dom Gérard, vient d’être rééditée.
Peut-être certains de nos lecteurs, notamment les plus jeunes,
ne connaissent pas Dom Gérard. Ordonné prêtre en
1956, cet ardent défenseur de la liturgie latine devint par
après ermite, puis, à la tête d’une petite
communauté, fonda le monastère du Barroux, lequel fut
élevé à la dignité d’abbaye en
1989. Ce n’est pas une biographie néanmoins qui peut
faire connaître Dom Gérard à ceux qui ne l’ont
pas rencontré, mais plutôt ses écrits et les
témoignages des nombreuses personnes qui ont eu la chance de
le voir et de l’entendre. Les écrits de Dom Gérard
sont d’une force exceptionnelle, et de nombreux extraits, tant
de ses sermons que de ses livres, peuvent être lus dans ce
numéro de Reconquête. Quant aux témoignages
de ceux qui ont eu la grâce de le voir et de l’écouter,
ils sont saisissants tant transparaissent à travers eux à
la fois l’énergie et la sagesse que Dom Gérard
avait le don d’inculquer à ceux qui l’approchaient.
La lecture de quelques
lignes écrites par Dom Gérard suffit à montrer à
quel point il était éloigné de ce que
Monseigneur Rey vient tout récemment d’appeler le
« prêt-à-penser ». Ainsi
lors d’une homélie en la cathédrale de Chartres,
n’hésitait-il à dire : « Entrez
dans une école d’État : les enfants y sont
instruits sur tout. Silence sur Dieu ! Scandale atroce !
Mutilation de l’intelligence, atrophie de l’âme
-sans parler des lois permettant le crime abominable de l’avortement.
Ce qu’il y a de plus triste, mes chers frères, et de
plus honteux, c’est que la masse des chrétiens finit par
s’habituer à cet état de choses. Ils ne
protestent pas ; ils ne réagissent pas. Ou bien, pour se
trouver une excuse, ils invoquent l’évolution des mœurs
et des sociétés. Quelle honte ! ».
Si Dom Gérard
était vif dans sa critique de notre époque, et pas
seulement dans ses propos, puisqu’il n’hésita pas
un jour à s’enchaîner devant un hôpital
pratiquant l’avortement, sans avoir peur d’affronter la
justice, il était aussi spéculatif dans ses livres.
Entre autres exemples, dans un texte lui aussi retranscrit dans
Reconquête, il explique que trois piliers ont permis la
construction du monastère du Barroux : une philosophie de
l’homme, la sagesse de la Règle, le rayonnement de la
liturgie.
Les trois piliers
Le premier pilier, c’est
d’abord une saine philosophie de l’homme, et non celle
qui prévaut de nos jours : « Ce qui,
aujourd’hui, fait trembler sur ses bases une civilisation
millénaire, ce n’est pas d’abord le péché
de la chair. Il a toujours existé. C’est un abominable
mensonge de l’esprit qui s’ingénie de mille façons
à faire croire que la nature humaine change, que le monde
évolue (bien sûr, il existe une évolution au plan
des moyens techniques, mais la nature humaine demeure inchangée) ».
Le second pilier est la
sagesse de la Règle : « Nous n’eûmes
pas l’outrecuidance d’inventer un nouveau mode de vie
monastique. Nous avons tout simplement redécouvert la sagesse
de la Règle de saint Benoît, telle que nous l’ont
transmise les anciens, sa richesse, son universalité et son
inépuisable pouvoir d’adaptation ».
Le troisième
pilier est la liturgie, ou plus exactement le rayonnement liturgique,
lequel peut être ramené à trois éléments,
la sacralité, la pédagogie et le lyrisme :
« Sacralité, c’est-à-dire reflet du
divin en ce qu’il a d’éternel et de transcendant :
le caractère hautement sacral d’une prière
transmise par le véhicule d’une langue fixe, protégée
de l’individuel et du changeant par des règles
immémoriales, discipline des âmes avec une rigueur dont
elles sont aujourd’hui tellement privées, et les incline
à l’adoration ». La pédagogie :
« l’Église, par sa prière, enseigne
ses enfants sans en avoir l’air, en leur donnant un goût
suave et profond des vérités de la foi, en resserrant
dans les oraisons latines du missel toute une théologie aux
formules concises et chargées de sens, tandis que le retour
régulier des mêmes gestes et des mêmes symboles
inscrit dans les cœurs le sens mystérieux des paroles
divines ». Le lyrisme enfin : «
Quant au lyrisme, il appartient de droit à la liturgie,
laquelle peut s’exprimer soit avec sobriété soit
avec magnificence, mêlant avec un art souverain, comme en un
grand poème, le chant, le silence, les encensements et la
lecture ».
Témoignages
Outre les extraits de ses
sermons ou de ses œuvres, on peut lire dans la revue Reconquête
consacrée à Dom Gérard, les témoignages
de ceux qui l’ont fréquenté. Olivier Figueras
insiste sur l’attention que Dom Gérard portait à
tous ceux qui le sollicitaient : « Toujours tout à
tous ; toujours disponible, même auprès des plus
petits ; chacun de ses interlocuteurs étant le plus
important d’entre eux ». Yann Baly rappelle
l’intérêt de Dom Gérard pour la jeunesse :
« Il avait, chevillés au cœur, la volonté
et le désir de réveiller une jeunesse endormie mais
aussi de redonner l’enthousiasme de la jeunesse à des
générations ayant oublié de rester jeunes dans
leur esprit ». L’abbé Christian Gouyaud
évoque l’atmosphère du Barroux et l’importance
de la liturgie : « Au Barroux, les volutes
d’encens, de cire et de lavande, la mélodie du chant
grégorien, la polychromie de la pierre se rejoignaient en
synesthésie et prenait l’hôte de passage ‘par
le corps’ pour l’élever ensuite à la
transcendance de Dieu : homme de l’enracinement et de
l’incarnation, Dom Gérard était un adversaire
résolu de toute forme de manichéisme et de gnose. Il
rêvait de faire de l’existence tout entière une
liturgie : des gestes posés avec onction et répétés
avec solennité pour signaler que, même dans les choses
les plus humbles, on est dépassé par ce que l’on
fait. Comment dès lors aurait-il pu admettre que la sainte
liturgie fût réduite à l’arbitraire du
célébrant ? ».
Bernard Antony se
souvient de l’attention de Dom Gérard aux malheurs de
notre monde contemporain : « Il souffrait dans son
âme et dans sa chair de toutes les injures publiques faites à
Dieu, des abominations de la culture de mort, des humiliations
infligées à la France, de l’indifférence
générale des clercs et des laïques devant les
immenses hécatombes des chrétiens perpétrées
par l’hydre révolutionnaire et dans les pays d’Islam ».
Yves Daoudal présente
en quelques mots tant la vie que la grandeur de l’œuvre
de Dom Gérard : « Dom Gérard est le
seul homme qui, au XXe siècle de
ténèbres, a construit un monastère ex nihilo. Un
grand monastère, entièrement dédié à
l’œuvre et à la prière bénédictine.
Entièrement voué à la liturgie latine et
grégorienne, à la messe de saint Pie V. Un monastère
d’où l’on vient du monde entier. Le petit moine
rebelle qui s’était fait ermite à Bédouin
est devenu le Très Révérend Père Dom
Gérard, officiellement Abbé de l’abbaye
Sainte-Madeleine, reconnu comme tel par Rome, reconnu dans sa
spécificité liturgique, de par la volonté
notamment du cardinal Ratzinger ».
Bien d’autres
témoignages décrivent Dom Gérard et éclairent
tel ou tel aspect de son œuvre. Dom Gérard a été
et reste une source d’inspiration pour le Centre Charlier, pour
Chrétienté-Solidarité. La réédition
de ce numéro de Reconquête entièrement
consacré à Dom Gérard est une initiative dont
nous ne pouvons que nous réjouir.
Marc FROIDEFONT
À commander au
Centre Charlier, 11€ franco de port.
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